Entretien avec le docteur Alex Shortt

Dossier Sans-Conservateur

Découvrez l’interview d’Alex Shortt, un chercheur universitaire et un chirurgien ophtalmologiste de renom, consultant au centre médical londonien d’excellence Harley Street.

Alex Shortt

Entretien avec le docteur Alex Shortt

Professionel de santé

Chez quels types de patients préconisez-vous le sans conservateur ?

Dans ma pratique médicale, je rencontre quatre indications qui requièrent clairement l’usage de traitements sans conservateur. 

La première concerne les patients présentant des symptômes et signes de maladie de la surface oculaire (MSO) ou de sécheresse oculaire (SO). Pour ces patients, cette surface est déjà endommagée et enflammée. L’ajout de conservateurs amplifie la mort cellulaire et l’instabilité du film lacrymal, favorisant le cercle vicieux plutôt que la correction de la MSO/SO. Chez ces patients, l’usage de gouttes ‶conservées″ génère tout simplement plus de mal que de bien. 

La seconde indication concerne les patients postopératoires, en particulier suite à une chirurgie réfractive. J’irais jusqu’à déclarer que les collyres administrés en postopératoire devraient toujours être sans conservateur, quel que soit le type d’intervention. La correction de la vision au laser est connue pour provoquer un effet neurotrophique temporaire et une MSO secondaire. Dans ce contexte, l’administration répétée de conservateur est source d’aggravation des signes et symptômes d’instabilité du film lacrymal et d’endommagement de la surface oculaire. En chirurgie réfractive, la satisfaction du patient est primordiale. De ce point de vue, le conservateur, c’est l’ennemi du chirurgien et le traitement ‶non conservé″, son meilleur allié. Ceci vaut également pour les personnes âgées qui subissent une chirurgie de la cataracte. L’incidence de la MSO/ SO augmente avec le vieillissement de la surface oculaire. Par ailleurs, en postopératoire, la surface oculaire de ces patients est plus sensible à la toxicité des conservateurs ainsi qu’au stress oxydatif et à l’inflammation qui s’ensuivent. C’est pourquoi, dans ma pratique quotidienne, j’accorde une grande attention à prescrire à mes patients âgés des collyres qui respectent le capital de l’oeil. 

La troisième indication concerne les patients atteints de glaucome. Ces derniers sont exposés à des doses de conservateurs faibles à modérées, mais pendant des années. Si cela est rarement problématique à court terme, l’accumulation de conservateurs au niveau de la surface oculaire, du trabéculum, du cristallin et de la choroïde peut en revanche, et au long cours, entraîner une toxicité, des réactions immuno-allergiques et une inflammation. Cette inflammation est délétère pour les glaucomateux, notamment pour ceux qui seront traités ultérieurement par voie chirurgicale. L’usage préopératoire de conservateurs (avec l’inflammation qui s’ensuit), et les médiocres résultats d’une intervention chirurgicale, sont aujourd’hui scientifiquement corrélés. Par conséquent, les patients atteints de glaucome qui montrent des signes de MSO ou sont susceptibles d’avoir à subir une intervention doivent être traités avec des gouttes sans conservateur. 

La quatrième et dernière indication concerne les patients subissant une greffe de cornée. Les conservateurs stimulent le système immunitaire, induisent une inflammation de la conjonctive et provoquent une infiltration de cellules dendritiques au niveau de la conjonctive et de la cornée, tous phénomènes que l’on redoute car ils augmentent le risque de reconnaissance allogénique et de rejet d’allogreffe de cornée.

 

Expliquez-vous à vos patients l’intérêt du sans conservateur ?

Mes patients appartenant pour la plupart à une des quatre catégories précitées, j’insiste toujours sur l’importance de ces bonnes pratiques. La cicatrisation de la surface oculaire est un processus lent et délicat et je veille toujours à ce que ces patients ne s’aventurent pas à substituer leur traitement.

 

Tenez-vous compte, avant de prescrire un produit, des effets délétères des conservateurs de la surface oculaire ?

Par définition, vous l’aurez compris ! J’ajoute qu’il existe des preuves scientifiques multiples et solides justifiant de l’usage de traitements sans conservateur sur ma patientèle : stimulation de l’apoptose des cellules de la surface oculaire, inflammation, cercle vicieux de la MSO/SO ; ces traitements génèrent plus de mal que de bien. A la minute où je suis en présence d’un patient atteint d’instabilité du film lacrymal, de SO, de MSO ou d’une inflammation de la surface oculaire postopératoire, je sais que l’utilisation de conservateurs sera tout simplement contreproductive